Le Maître vivait au sommet d'une colline près d'une source d'eau, loin de toute habitation humaine. Toutes les quelques semaines, l'un ou l'autre de ses élèves était chargé de lui apporter de la farine grillée et du thé vert : le Maître en préparait une espèce de pâte qui lui servait de seule nourriture, parfois pendant plusieurs mois, en réalité pendant une retraite de cent jours, qu'on appelle la "méditation de l'étoile du matin" ou la "méditation de Vénus". Il vivait dans une hutte qu'il avait construite lui-même, dans laquelle il dormait dans la position assise des ascètes taoïstes qui ne se couchent jamais, pas même pour dormir. Il y recevait également ses rares visiteurs. Pendant son séjour en Chine, mon grand-père accompagnait un autre élève, chargé de porter la farine et le thé et dont le nom était Gyoho. Chaque fois, ils restaient pendant quel- ques jours auprès du Maître, se nourrissant de la même façon que lui et passant leur temps à étudier et à méditer.
Le Maître interdisait de prendre des notes, car la transmission de son enseignement ne devait se faire qu'oralement. C'est d'ailleurs ainsi que mon grand-père me transmit toutes ses connaissances, hormis la liste des patriarches du chen yen et des 33 calligraphies chinoises.
UN eNsemble d'exeRcices
de saNté
Une partie de ce qu'il enseignait est un ensemble d'exercices physiques et énergétiques de santé. J'apprendrai plus tard qu'il s'agit d'exercices tirés du lou yong tao tö qi, une science des mouvements, de la respiration et de l'énergie, d'origine tibétaine. Mon grand-père avait l'habitude de pratiquer deux fois par jour : juste après le lever et juste avant le coucher du soleil. Plus tard, j'en reconnaîtrai des éléments dans des exercices pratiqués dans le Qi Gong et le Nei Gong des Chinois ainsi que dans le Kiko et le Reiki des Japonais.
Selon mon grand-père, ces pratiques permettaient de conserver la santé physique ou de la retrouver. Elles agissaient également sur le cœur et l'esprit, débarrassant l'un de ses émotions négatives et conflictuelles, comme l'impatience, la jalousie, la peur, la haine, et l'autre de son avidité, sa vanité et son orgueil. Elles rendaient l'homme sain dans son corps, équilibré dans son âme et libre dans son esprit. Tout ceci grâce à la pratique régulière de ces mouvements, de la récitation des mantras et de certains textes philosophiques, et des méditations qui les accompagnaient.
En contact avec l'énergie
Ces exercices permettent au pratiquant d'être en contact avec l'énergie de manière beaucoup plus sensible : il constate alors à quel point les émotions et les pensées sont soit des médicaments, soit des poisons, aussi bien pour la santé physique que pour la santé mentale. Ainsi la sympathie, l'amour, la compassion favorisent la santé, tandis qu'une attitude égocentrée, la tristesse, la peur, la haine favorisent la maladie. Retrouver la santé signifie par conséquent non seulement soigner son corps, mais encore apprendre à penser clairement et à ressentir avec sérénité et amour son entourage dans de bienveillantes relations aux autres
Mon grand-père ne pratiquait que deux exercices respiratoires, me disant que d'autres exercices respiratoires étaient réservés à des pratiquants bien plus avancés. Il disait aussi qu'il fallait laisser la respiration aller librement et qu'ainsi, la sagesse du corps l'adaptait naturellement aux exercices corporels.